AFRIQUE - Biogéographie

AFRIQUE - Biogéographie
AFRIQUE - Biogéographie

Suspendue aux flancs de l’Ancien Monde comme un «gigantesque point d’interrogation» – selon la pittoresque formule de Weulersse – l’Afrique représente le quart de la surface des terres émergées.

De tous les continents c’est à la fois le plus massif (1 400 km2 pour 10 km de côtes, contre 300 pour l’Europe) mais surtout le plus tropical et, par conséquent, le plus chaud. S’étendant du nord au sud sur 8 000 km (de 370 21 N. à 340 51 S.), l’Afrique est en effet le seul continent à peu près symétriquement disposé par rapport à l’équateur qui le sépare sensiblement en deux moitiés. Si ces dernières sont de formes bien différentes, l’une «transversale» (7 500 km de Dakar au cap Guardafui) atteignant la Méditerranée, l’autre «verticale» et se terminant avec le cap des Aiguilles aux frontières du monde subantarctique, ces diversités ne parviendront pas à masquer l’ampleur et l’importance bioclimatique fondamentale des symétries intra-africaines.

La structure, dans son ensemble, est simple ou, plus exactement, monotone, l’Afrique représentant dans sa quasi-totalité un «bouclier» cristallin, vieux socle précambrien arasé, plaqué par endroits de sédiments sub-horizontaux, gaufré par l’épeirogenèse de dorsales et de cuvettes, localement affecté de cassures et de venues volcaniques. Deux notables exceptions symétriques, aux deux extrémités du continent où des orogenèses véritables feront surgir les chaînes atlasiques de la Berbérie ou les plissements, beaucoup plus anciens, d’ailleurs, du Cap.

Quant au relief, rappelons que si l’Afrique intertropicale n’a pas de hautes chaînes comparables aux Alpes, aux Andes, aux Rocheuses ou à l’Himalaya, elle a relativement peu de plaines basses: 67 p. 100 de la surface totale se trouve ainsi entre 200 et 1 000 m d’altitude. Une ligne tirée de Port-Soudan à Lobito diviserait, en diagonale, le continent entre une «Afrique haute» à l’est, de l’Éthiopie au Drakensberg, et une «Afrique basse», celle de l’ouest. À l’exception du mont Cameroun (4 070 m) et de l’Atlas marocain (4 071 m), toutes les hautes montagnes d’Afrique se placent à l’est de cette ligne (Semien, 4 620 m; Elgon, 4 315 m; Kenya, 5 199 m; Kilimandjaro, 5 895 m; Meru, 4 560 m; Ruwenzori, 5 109 m).

Du point de vue pluviométrique on trouve une zone équatoriale à forte pluviosité, 4 305 mm à Conakry, 4 000 à Douala, 10 500 à Debunscha (Cameroun), 11 000 à Ureka (Bioko), centrée sur la face occidentale du continent et n’atteignant pas l’orientale, et une série d’auréoles concentriques à pluviosité décroissante jusqu’aux zones désertiques où l’on notera des «moyennes» annuelles de 0,9 mm (Kharguèh) et de 0,4 mm (Dakhla). Ajoutons que le plus souvent les pluies sont saisonnières et que plus de la moitié de l’Afrique connaît une période sèche de plus de 3 mois qui, au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la zone humide, passe peu à peu à 12, avec les déserts, Sahara (et ses prolongements érythréens) au nord, Namib au sud-ouest.

Les deux tiers de sa surface se trouvant en position intertropicale, on comprendra que l’Afrique soit le plus chaud des continents, quand, à la situation géographique, vont s’ajouter l’énorme développement, «transversal» du Sahara d’une part, l’hyperthermie des cuvettes de l’autre (Tchad, haut Nil, Kalahari, etc.). Par contre, l’altitude viendra, dans l’est et le sud, mitiger l’influence de la latitude: il peut geler au Zimbabwe ou au Transvaal.

Comme on pouvait s’y attendre, on observe un haut degré de correspondance entre la pluviométrie et les grands types physionomiques de la couverture végétale. Comme il existe un gradient climatique s’étendant de l’hyper-humide à l’hyper-aride, les types de végétation s’échelonnent à leur tour de la forêt dense ombrophile (qui aime la pluie) au désert absolu, tel qu’il existe au Tanezrouft ou dans le désert de Libye.

D’une façon générale, et sans tenir compte des différenciations altitudinales ou édaphiques (mangroves, marécages, etc.), les principales formations seraient: – des formations forestières fermées : forêt dense humide (espèces à feuilles persistantes ou semi-caduques), forêt dense sèche, fourrés;

– des formations mixtes (forestières et graminéennes ) ou graminéennes : forêt claire, savane (boisée, arbustive, etc.), steppe (arborée, arbustive, épineuse, à succulentes, herbacée, graminéenne, etc.), prairie.

Il faut, évidemment, commencer par tracer un tableau des caractères principaux de la faune et de la flore africaines actuelles , donc sans recours, pour le moment du moins, à la paléontologie et à l’histoire des groupes en cause.

S’il est parfaitement légitime, et même géographiquement nécessaire de traiter ici de la faune et de la flore africaines à l’échelle du continent, il faut savoir, et nous y reviendrons plus loin, qu’il existe, en réalité, plusieurs Afriques juxtaposées, nées à la fois de l’histoire des groupes et de leurs exigences écologiques et que dans la plupart des cas, par conséquent, le terme d’«africain» appliqué à un groupe signifie, en fait, «inféodé, en Afrique, à une région, à un domaine, voire à un secteur bioclimatique, physiographique ou édaphique particulier».

1. Peuplement animal

Un genre de Limnoméduse, Limnocnida , est connu de l’Afrique tropicale et du Sahara.

Les Crustacés Décapodes d’eau douce appartiennent à des familles à vaste répartition, qu’il s’agisse des crabes (Potamonidés) ou des crevettes (Palaemonidés, Atyidés); on constate l’absence à peu près totale d’Amphipodes d’eau douce, à part les Gammarides de Berbérie, les Phreatoicidae et les Gammarides hypogés d’Afrique du Sud et l’Ingolfiella leleupi des eaux souterraines du Congo et de Zambie. On doit rappeler que l’Afrique du Nord héberge, dans une source chaude de Tunisie, un représentant de l’ordre des Thermosbaenacea (2 genres, Thermosbaena et Monodella : région méditerranéenne et Texas) et que la région du Cap possède le seul Spelaeogriphacé connu: Spelaeogriphus lepidops , des Bats Caves de la Montagne de la Table.

Des six familles de scorpions, quatre existent en Afrique, deux très abondamment représentés (Scorpionidae et Buthidae ), les deux autres (Chactidae :Euscorpius de Berbérie, Diplocentridae : Socotra et Sud arabique) demeurant très «marginales». À la faune d’un «domaine africain septentrional» (M. Vachon) s’oppose celle de l’Afrique sud-saharienne, avec de nombreux genres africains dont Pandinus , qui comprend les plus gros scorpions connus.

Rappelons la présence en Afrique (Centre et Sud) de représentants du groupe des Onychophores (Péripates) dont la distribution générale est australe (Amérique du Sud, Malaisie, Australie, Nouvelle-Zélande...).

On a pu dire que, pour le zoogéographe, Africa is, above all, a land of fishes (A. Carr, 1964), et il faut avouer que la faune ichtyologique des eaux douces d’Afrique présente de notables particularités; c’est ainsi que l’on trouve, sans tenir compte de quelques familles paléarctiques ou cosmopolites d’Afrique du Nord (Salmonidae et Gasterosteidae , par exemple):
a ) Quinze familles spéciales à l’Afrique: Protopteridae , Polypteridae , Congothrissidae , Grasseichthyidae , Denticipitidae , Cromeriidae , Kneriidae , Phractolaemidae , Pantodontidae , Mormyridae , Gymnarchidae , Citharinidae , Amphiliidae , Mochocidae , Malapteruridae , la première étant une des 3 familles actuelles de Dipneustes et la seconde représentant à elle seule avec les 2 genres Polypterus et Calamoichthys le groupe archaïque des Brachioptérygiens;
b ) Seize familles non spéciales à l’Afrique: – en Afrique et en Amérique tropicales: Characidae ;

– en Afrique, en Asie et, parfois, en Europe: Notopteridae , Cyprinidae , Cobitidae , Bagridae , Schilbeidae , Clariidae , Synbranchidae , Anabantidae , Mastacembelidae ;

– en Afrique, en Asie et en Amérique tropicales: Nadidae , Cichlidae , Cyprinodontidae ;

– en Afrique, en Asie, en Amérique et en Australie tropicales: Osteoglossidae ;
c ) Dix familles d’origine marine: Clupeidae , Arridae , Galaxiidae (Afrique australe), Anguillidae (Nord et Sud), Ophichtyidae , Syngnathidae , Centropomidae , Eleotridae , Gobiidae , Tetraodontidae .

Nombre de types africains sont manifestement archaïques (Protopterus , Polypterus , Heterotis , Denticeps , Pantodon ...). Un autre phénomène remarquable est la spéciation «explosive» des Cichlidés dans certains grands lacs est-africains (cf. tableau).

À propos des Amphibiens, signalons l’absence d’Urodèles (sauf en Berbérie) et de rainettes (Hylidae ), écologiquement représentées par les Rhacophorides (Hyperolius ...) et les Phrynométrides; les Pipidae (Xenopus ) sont communs à l’Afrique et à l’Amérique tropicales; il y a des endémiques très particuliers, par exemple la grenouille géante (Conraua goliath , long. 18-30 cm), les grenouilles à «poils» (Trichobatrachus ), les crapauds vivipares (Nectophrynoides , orophile) et autres.

Chez les Reptiles, de nombreux genres de Lacertiliens sont africains, ainsi que les familles des Cordylidae (Zonuridae ) et des Gerrhosauridae (présentes à Madagascar); les Chamaeléontidés sont très abondants et, à part une espèce asiatique et une méditerranéenne, sont africains et malgaches. Le genre Crocodilus (2 esp. en Afrique) est pantropical, Osteolaemus africain, ainsi que les genres de tortues d’eau douce ou palustres: Cycloderma , Cyclanorbis , Pelomedusa , Pelusios (ces deux derniers malgaches aussi). Les Python et Naja sont paléotropicaux mais les Vipéridés Causus et Bitis sont africains.

Si la faune ornithologique de l’Afrique sud-saharienne, «éthiopienne» est indubitablement riche (1 481 espèces, mais il y en a déjà 566 en Europe), elle l’est surtout peut-être par sa diversité régionale (603 espèces au Kenya). Les groupes endémiques supra-génériques sont les suivants (Moreau, 1966):
a ) Un ordre: Colii (fam. Coliidae , Colious, 6 esp.);
b ) Cinq familles: Musophagidae (touracos, 18 esp.), Sagittariidae (serpentaire, 1 esp.), Balaenicipitidae (bec en sabot, 1 esp.), Scopidae (ombrette, 1 esp.), Struthionidae (autruche, 1 esp. depuis la disparition des populations asiatiques);
c ) Huit sous-familles: Bubalornithinae (Alectos, 2 esp., Ploceidae ), Buphaginae (pique-bœufs, 2 esp., Sturnidae ), Malaconotinae (pies-grièches vertes, 39 esp., Laniidae ), Numidinae (pintades, 7 esp., Phasianidae ), Phoeniculinae (moqueurs, 6 esp., Upupidae ), Prionopinae (bagadais, 9 esp., Laniidae ), Promeropinae (Cape Sugarbird, 2 esp., Meliphagidae ), Viduinae (veuves, 9 esp., Estrildidae );
d ) Une tribu, Picathartini (Picathartes , 2 esp., Timaliinae , Muscicapidae ).

Un paon africain (Afropavo ) est de découverte relativement récente (1936).

L’Afrique sud-saharienne a 38 genres de nidificateurs communs avec l’Amérique du Sud, l’Inde a 59 p. 100 de ses genres existant aussi en Afrique, l’Europe 55 p. 100.

La richesse de l’Afrique en Mammifères est bien connue et, dès qu’il est question de la faune de ce continent, chacun songe à l’éléphant, au zèbre, au gorille, à l’hippopotame et aux nombreuses antilopes.

Comme les autres classes, celle des Mammifères compose un peuplement très varié, à la fois par la diversité de ses affinités biogéographiques et par celle de ses adaptations écologiques, à de très nombreux types d’habitats ou de régimes alimentaires. En Tanzanie, dans l’ex-Tanganyika, sur 287 Mammifères terrestres (env. 47 en Grande-Bretagne), on a dénombré 89 petits herbivores (dont 57 rats..., et 10 écureuils), 45 grands herbivores (dont 37 antilopes et 4 cochons), 91 insectivores (dont 56 cheiroptères et 19 musaraignes), 41 carnivores, 11 roussettes et 10 singes.

Pour nous en tenir aux familles non marines (donc Cétacés exclus) et non volantes (Cheiroptères exclus), on pourra distinguer les groupes suivants:
a ) Dix familles à distribution extra-africaine très étendue: Soricidae (musaraignes), Mustelidae (zorille, ratel, loutre), Canidae (chacal, renard, fennec, lycaon), Felidae (chats, serval, guépard, lion, panthère), Sciuridae (écureuils), Muridae (rats, gerbilles, campagnols), Leporidae (lièvres), Suidae (phacochère, potamochère, hylochère), Bovidae (buffles, antilopes, gazelles, gnous), Cervidae (à l’état relictuel en Afrique du Nord). Des représentants de ces familles existent en Amérique.
b ) Six familles largement répandues dans l’Ancien Monde extra-africain: Erinaceidae (hérissons), Gliridae (loirs), Equidae (zèbre, âne), Viverridae (genette, civette, mangouste), Jaculidae (gerboise), Hyotricidae (porc-épic).
c ) Sept familles communes à l’Afrique et à l’Asie tropicales: Pongidae (gorille, chimpanzé), Semnopithecidae (colobes), Lorisidae (Lémuriens), Arctocebus (agwantibo), Perodicticus (patto), Galago , Enoticus , Elephantidae , Rhinocerotidae , Tragulidae (chevrotains), Manidae (pangolins).
d ) Une famille commune à l’Afrique, à l’Amérique, à l’Asie, à Madagascar et à l’Australie tropicales: Trichechidae (lamantin des mangroves, des estuaires et de certains fleuves).
e ) Douze familles endémiques, spéciales à l’Afrique: Macroscelidae (rats à trompe), Potamogalidae (potamogale, Parpassa, et micropotamogale), Chrysochloridae (taupes dorées, dont l’Eremitalpa du désert du Namib), Echimyidae (aulacode), Petromyidae , Anomaluridae (écureuils volants), Bathyergidae (rats-taupes), Pedetidae (lièvres sauteurs), Procaviidae (damans), Hippopotamidae (hippopotame et Choeropsis ), Orycteropidae (cochon de terre ou «fourmilier»), Giraffidae (girafe et okapi), Cercopithecidae (l’hamadryas a une sous-espèce en Arabie).

Il n’y a en Afrique ni Talpidae , ni Ursidae , ni Tapiridae , ni Castoridae , ni Monotrèmes, ni Marsupiaux et le seul Cervidé est le Cervus elaphus barbarus d’Afrique du Nord.

Si, en ce qui concerne les familles de Mammifères, il y a environ un tiers d’endémiques, le pourcentage s’élève notablement avec les genres pour lesquels il dépasse les deux tiers.

2. Peuplement végétal

Le monde végétal africain peut être envisagé sous deux aspects différents principaux, la flore et la végétation , c’est-à-dire le matériel floristique actuellement présent dans les limites du continent, et les types physionomiques nés du regroupement des espèces suivant leurs affinités écologiques.

Comme à d’autres points de vue (structure, climat, etc.), l’Afrique peut se diviser quant à sa flore en trois parties: un énorme territoire central intertropical, «coiffé» de deux «calottes» apicales, l’une méditerranéenne (Berbérie paléarctique), l’autre australe (région du Cap).

Si la flore de l’Afrique du Nord appartient bien entendu au Palaearctis (et donc à l’Holarctis ) et celle du Cap à un groupe autonome dont l’individualisation paraît justifiée par sa composition (abondance des Protéacées, Éricacées, Géraniacées, etc., présence des Pruniacées, Restionacées, Byblidacées, Roridulacées, Cunoniacées...), l’énorme masse tropico-africaine appartient au Palaeotropis , ce qui signifie qu’au niveau phytogéographique le plus élevé, l’empire floral, c’est avec les Tropiques asiatiques que seront ses affinités les plus marquées.

Quelques familles américaines ont un représentant en Afrique, par exemple: Rapatéacées (Mascholocephalus ), Vochysiacées (Erismadelphus ), Broméliacées (Pitcairnia ), Cactacées (Rhipsalis ); quelques genres principalement américains sont représentés en Afrique: Symphonia (Guttifères), Vismia (Hypericacées), Paullinia (Sapindacées)... Enfin plusieurs espèces, en dehors de rudérales et de pantropicales banales, bien entendu, sont communes à l’Afrique et à l’Amérique, par exemple Spondias monbin , Andira inermis , Ceiba pentandra , Gyrocarpus americanus , Christiana africana , sans qu’il soit possible de distinguer les cas de transports par des agents naturels ou par l’homme et ceux qui impliquent des migrations anciennes et des connexions terrestres.

Avec l’Asie tropicale et, en particulier pour les éléments saharo-sindien et soudano-deccanien de la flore «sèche», les similitudes vont se multiplier, au niveau des genres: Capparis , Grewia , Sterculia , Bombax , Anogeissus , Terminalia , Combretum , Bauhinia , Erythrina , Pterocarpus , Dalbergia , Diospyros , Boswellia , Commiphora , Albizia , Acacia , Dicrostachys , Balanites , Euphorbia , Bridelia , Salvadora , Adina , Cordia , Vitex , Gardenia , Stereospermum , Carissa ... Il y a même d’assez nombreuses espèces communes à l’Afrique et à l’Inde sèches.

Peu de familles (env. 25) sont endémiques en Afrique, et elles sont en général de peu d’importance: la plus remarquable étant sans doute celle des Welwitschiacées avec le Welwitschia mirabilis du désert du Namib (de Namibe à Walvis Bay).

La rareté des palmiers en Afrique fait contraste avec leur grande abondance en Amérique tropicale et dans l’aire indo-malaise. On ne trouve en effet en Afrique que 15 genres de palmiers et environ 50 espèces contre 92/1 140 en Amérique et 107/1 150 en Asie, où l’île de Singapour compte à elle seule autant de palmiers différents que tout le continent africain; celui-ci a, également, très peu de bambous, d’aroïdées, et même relativement peu d’orchidées. D’ailleurs la forêt dense africaine ne compterait que 25 000 espèces environ en face des 40 000 de celle d’Amérique du Sud.

Bien entendu, il n’existe pas de «flore africaine» unique, mais une série de «flores en Afrique», se succédant de la Berbérie au Cap, d’origines et d’âges différents. De façon schématique, on aurait la division suivante: – groupe méditerranéen : région méditerranéenne (avec un domaine saharo-méditerranéen);

groupe tropico-africain : région soudano-zambézienne, comprenant un type saharien (domaine saharo-africain), des types sahéliens (nord et sud), des types soudaniens (nord et sud), région guinéo-congolaise, région Karoo-Namib, région afro-alpine;

groupe du Cap : région «capienne».

3. Les types de distribution

Si l’on peut s’attendre à un certain degré de correspondance – parfois très étroite d’ailleurs – entre les territoires phyto- et zoogéographiques puisque l’animal dépend, directement ou non suivant les cas, de la plante qui, elle, subit plus étroitement les contraintes du milieu physique (climat et sol), aucune division biogéographique de l’Afrique ne saurait également convenir à tous les groupes: oiseaux et scorpions, cloportes et chauves-souris, batraciens et papillons ont des possibilités de déplacement propre ou des modes de dispersion trop divers pour qu’un schéma unique généralisé puisse couvrir tous les cas. À ne considérer que les oiseaux, la faune paléarctique européenne descendrait à travers le Sahara jusqu’au bord sud de ce dernier mais c’est l’inverse pour les mammifères, en majorité tropico-africains jusqu’à l’Afrique du Nord (comprise); pour les scorpions, d’autre part, une limite majeure se placerait au sud du Sahel, sur une ligne Dakar-Somalie, séparant un peuplement Berbérie-Sahara-Sahel (faune autochtone africaine septentrionale) du peuplement tropico-africain généralisé. Nous y reviendrons plus loin; il faut, pour expliquer le peuplement d’un continent, tenir compte de l’histoire, paléogéographique et paléoclimatique de ce dernier comme de celle de chacun des groupes systématiques.

On ne sera donc pas surpris du caractère très panaché, très en «mosaïque» du peuplement africain, dans lequel le biogéographe tentera, pour chaque groupe, de retrouver les divers éléments constituants.

L’opposition de deux grands ensembles de faunes et de flores, de forêt et de savane, est capitale et se retrouve dans tous les groupes: ce sont véritablement deux mondes différents, qu’il faudra toujours systématiquement distinguer.

Pour la faune ouest-africaine, Dekeyser et Villiers (1954) ont proposé dix types principaux de répartition actuelle:
a ) types de base :

– peuplement forestier «guinéen», constitué, outre un fond forestier africain, par un élément à affinités indo-malaises et un grand nombre de vicariantes d’espèces de savanes (clairières, défrichements);

– peuplement soudanien des savanes boisées;

– peuplement sahélien des savanes sèches

– peuplement saharien
b ) types binaires :

– peuplement soudano-guinéen;

– peuplement sahélo-soudanien;

– peuplement saharo-sahélien;
c ) types ternaires :

– peuplement sahélo-soudano-guinéen;

– peuplement saharo-sahélo-soudanien;
d ) type ubiquiste .

Pour les oiseaux tropico-africains, on pourrait citer une série de types de distribution:
a ) zone des savanes :

– «transversal» nord (sahélo/soudanien généralisé): Merops nubicus nubicus , Francolinus bicalcaratus /icterorhynchus , Crinifer piscator /zonurus , Bucorvus abyssinicus ...

– en «équerre» (Sénégal/Éthiopie et Éthiopie/Sud-Ouest et/ou Sud africain): Halcyon chelicuti , H. leucocephala , Porphyrula alleni , Numida meleagris , Oena capensis , Scotopelia peli , Corvus albus ...

– «vertical», oriental: Aquila verreauxi , Oxyura maccoa , Euplectes gierowii ...

– «transversal» sud (angolo-zambézien): Poiocephalus ruppelli ...

– montagnard: Nectarinia johnstoni , N. afra , Francolinus psilolaemus , Corvultur albicollis ...
b ) zone des forêts :

– guinéo-congolais (les 2 blocs ou un seul): Ceratogymna atrata , Psittacus erithacus , Laniarius leucorhynchus ...

– bi-forestier (groupe 1 et forêt orientale): Neocossyphus rufus , Bubo poensis ...

– montano-forestier: Pogonocichla stellata , Alcippe abyssinicus , Phylloscopus umbrovirens ...

Pour les Ongulés, on aurait, également:
a ) zone des savanes :

– «transversal» nord (saharien): Gazella dorcas et leptoceros , Addax nasomaculatus .

– «transversal» nord (steppe/savane): Oryx algazel , Taurotragus derbianus .

– en «équerre»: Kobus defassa , Redunca , Hippotragus , Sylvicapra , Giraffa .

– «vertical», oriental: Strepsiceros , Oreotragus , Rhinoceros (avec amorce de la branche «transversale» de l’«équerre»), Aepyceros melampus , Connochaets taurinus , Taurotragus oryx , Equus sp. pl. (zèbres).

– «transversal» sud et/ou austral: Connochaetes gnou , Oryx gazella , Antidorcas , Equus sp. pl.
b ) zone des forêts :

– forestier: Hyemoschus (chevrotain), Boocercus (bongo), Neotragus et Hylarnus (antilope pygmée), Cephalophus (biche-cochon)...

Si un tel mode de classement met utilement en évidence les liaisons existant entre tel ou tel taxon et tel ou tel type de climat et de végétation (désert, steppes, savanes et forêts), il importe de le compléter par des indications numériques, seules capables de déceler, pour un groupe déterminé, des centres privilégiés de spéciation, parfois secondaires, parfois primaires, et, dans ce cas, pouvant représenter des centres d’origine.

Pour les papillons de l’Afrique tropicale, Carcasson (1964) a adopté une division, étroitement calquée, on n’en sera pas surpris, sur celle de la végétation.

La région forestière est indubitablement, et de beaucoup, la plus riche: s’il y a 1 150 espèces dans la forêt Cameroun-Gabon-Sangha, on en compte 1 000 dans la cuvette centrale congolaise, 750 dans la forêt occidentale éburnéo-libérienne, 450 au Katanga, 350 dans la savane Tchad-Oubangui, 250 sur les plateaux éthiopiens, 200 sur ceux d’Afrique du Sud et 100 seulement sur la côte orientale, malgré la présence de lambeaux forestiers. Cette particulière richesse de la forêt se retrouve dans d’autres groupes (tels les Batraciens).

On note aussi, d’une façon générale, un certain appauvrissement de l’Afrique de l’Ouest par rapport au reste du continent: moins de 10 Commiphora sur 120, 20 Acacia sur plus de 120, 1 Monotes sur 30, 3 Bauhinia sur 30, 3-4 Maerua sur plus de 70, etc. De nombreux genres n’atteignent pas l’ouest du continent, où manquent aussi rhinocéros, zèbres, ânes sauvages, gnous, etc.

Un caractère très frappant du peuplement de l’Afrique réside dans l’ampleur des symétries, par rapport à l’équateur, d’ailleurs trop souvent marquées peut-être par la nomenclature traditionnelle régionale des taxons ou des formations. Mais qui connaît la flore de Mauritanie ou du Tchad retrouvera dans le sud de l’Angola, au Namib... nombre de genres et même d’espèces familières: Acacia albida , Salvadora persica , Trichodesma africanum , Zygophyllum simplex , Orygia decumbens , Aristida ciliata , A. obtusa , Geigeria alata , G. acaulis ... Si nombre d’aires sont simplement périforestières, d’autres semblent témoigner d’un contact nord-sud entre flores vraiment xérophiles, probablement par l’est et le nord-est. Ajoutons que les symétries se retrouvent naturellement dans la répartition des territoires bioclimatiques: Sahara atlantique (courant des Canaries)/Namib (courant de Benguela), Pinnipèdes atteignant, du nord, le cap Blanc (Monachus monachus ), du sud, le cap Cross, et même le sud de l’Angola (Arctocephalus pusillus ), espèces de Poissons se trouvant sur les côtes nord-ouest et sud-ouest de l’Afrique, Homarus capensis vicariant d’Homarus astacus , langouste du genre Jasus vicariant austral du genre Palinurus , etc. Il semble que les faits de cet ordre, cependant si importants, aient été trop longtemps négligés.

4. Les migrateurs

Sans parler ici des oiseaux de mer, il faut distinguer les migrations s’effectuant à l’intérieur de l’Afrique et celles qui, dépassant le cadre de cette dernière, s’étendent au complexe Eurasie-Afrique.

Dans la première catégorie se placent d’abord les migrations acycliques et certains insectes, par exemple du criquet pèlerin (Schistocerca gregaria ), du criquet migrateur (Locusta migratoria ), ou de certains papillons, dont les apparitions massives peuvent résulter autant de brusques pullulations locales que des migrations proprement dites. Des Mammifères peuvent effectuer des déplacements saisonniers (Oryx sahéliens), provoqués par le hasard des averses (Addax sahariens) ou par la maturité de certains fruits (roussettes).

De nombreux Oiseaux sont des migrateurs intra-africains, par exemple la cigogne d’Abdim (Sphenorhynchus abdimii ), qui niche du Sénégal à la mer Rouge pendant les pluies (d’été) et hiverne dans l’hémisphère Sud (du Katanga au Natal), et l’engoulevent à joues rousses (Caprimulgus rufigena ) qui niche dans le Sud (Angola, Zimbabwe...) pendant l’été austral et remonte pendant l’été boréal (saison des pluies) vers les zones soudanienne et sahélienne.

Quant aux migrations intercontinentales, on sait que, chaque année, plus de 25 p. 100 des espèces d’oiseaux nichant en Eurasie, de l’Espagne à la Sibérie, viennent hiverner en Afrique tropicale, souvent jusque dans l’hémisphère Sud. Une évaluation de Moreau (1966) a estimé le nombre des individus passant chaque automne en Afrique à environ 1,6 milliard (sans compter les Limicoles). La plupart des espèces ne dépassent pas l’équateur (113 en Afrique occidentale, 120 au Kenya, 54 dans la province du Cap). Les migrants de provenances diverses peuvent occuper en Afrique des territoires distincts. La traversée du Sahara pose à beaucoup d’oiseaux des problèmes physiologiques sérieux, d’autant plus que l’hivernage en Afrique nord-équatoriale coïncide avec la saison sèche, apparemment défavorable à l’alimentation abondante. Celle-ci est nécessaire à l’accumulation de la graisse qui représente le «combustible» brûlé au cours de la traversée désertique et marine; on rencontre d’ailleurs fréquemment au Sahara des cadavres de migrateurs.

5. La faune marine

La situation géographique du continent explique aisément la diversité des faunes marines qui peuplent le littoral: au nord et au nord-ouest, une faune tempérée chaude atlantico-méditerranéenne: à l’ouest, une faune tropicale est-atlantique; au sud-ouest et au sud, une faune antiboréale sud-africaine; au sud et au sud-est, une faune tempérée chaude sud-africaine; à l’est, une faune indo-pacifique.

La dissymétrie des deux «façades» africaines, orientale et occidentale, est remarquable: à l’est, l’extension des eaux tropicales chaudes à forte salinité (de la mer Rouge au Natal) est beaucoup plus grande qu’à l’ouest; si les récifs coralliens existent à l’est, ils sont pratiquement absents de la côte occidentale, n’apparaissant, très timidement d’ailleurs, que dans certaines îles (Principe, São Tomé, Annobon). Les mangroves à palétuviers, Avicennia ..., sont très développées sur les deux façades tropicales, avec leur faune très particulière de poissons (périophthalmes), de crabes... Un cas intéressant de symétrie «verticale» est l’existence d’une série d’espèces, ou de vicariants, à la fois au nord (région atlantico-méditerranéenne) et au sud (Afrique australe): Sardina pilchardus / Sardinops ocellata , Nyctiphanes couchi / N. capensis .

On doit rappeler enfin que le célèbre cœlacanthe (Latimeria chalumnae ) est africain (Natal et Comores).

6. Origines des peuplements

Nous avons donné un aperçu des caractères principaux de la biogéographie africaine. Après avoir fait ces constatations , il faut tenter de leur découvrir une explication et, par conséquent, d’imaginer l’origine et l’histoire des peuplements.

Si, pendant la plus grande partie du Tertiaire, l’Afrique reste séparée de l’Eurasie par la mer à Nummulites de la Téthys, à la fin du Miocène (Pontien), divers éléments de la faune à Hipparion pénétreront en Afrique du Nord: au Pliocène, l’Afrique se trouve en relations avec l’Inde sans qu’il soit toujours possible d’ailleurs de déterminer ni le sens des migrations (Afrique-Asie ou vice versa), ni l’étendue des convergences dans les similitudes observées.

De bonne heure (faune oligocène du Fayoum dont on a découvert des jalons en Libye et jusqu’au Mali et au Sénégal) on trouve en Afrique une faune apparemment autochtone (Proboscidiens, Hyracoïdes, Suiformes, singes...). Divers travaux tendent à accroître très sensiblement le volume de l’endémisme africain d’origine, à restreindre celui des contacts transcontinentaux, limités peut-être à un certain nombre d’échanges avec l’Eurasie au Pontien et à quelques immigrations tardives pléistocènes (zèbres vers l’est ainsi que vers le sud, ours et cerfs en Berbérie...). L’importance de l’Afrique dans le développement des Primates, et, en particulier, des Hominidés est aujourd’hui établie par de nombreuses découvertes faites depuis les années cinquante (Australopithèques en Afrique du Sud et en Tanzanie, représentants archaïques du genre Homo en Afrique australe, orientale, septentrionale).

Au cours du Pléistocène, une série de fluctuations climatiques, correspondant à celles qui, plus au nord, déterminaient les périodes glaciaires et interglaciaires, devaient en modifiant régionalement la température et l’humidité, entraîner des variations considérables dans l’extension des zones bioclimatiques (forêt dense, savanes-steppes, déserts) et, par conséquent, dans la distribution des faunes et des flores. C’est ainsi que peut s’expliquer, par exemple, le peuplement de montagnes, aujourd’hui biologiquement isolées, mais qu’un abaissement de 5 0C de la température moyenne suffirait à réunir, ou l’existence au Sahara, à une époque récente, d’une flore localement méditerranéenne (pins, chênes, tilleuls, etc.) ou d’une grande faune soudanaise (éléphants, girafes, rhinocéros...).

Doit-on admettre un ou plusieurs déplacements en latitude de la forêt équatoriale, partie d’Afrique du Nord et venue s’installer sur ses positions actuelles précédemment occupées par des végétations sèches? Faut-il accepter l’hypothèse d’une vieille flore africaine archaïque, tertiaire, plus ou moins xérophile, aujourd’hui surtout australe, orientale, désertique et montagnarde?

Existe-t-il un centre de spéciation et de dispersion austral? La région du Cap a-t-elle fonctionné comme une tête de pont ou seulement comme cul-de-sac? Ce sont là quelques-uns des grands problèmes de la biogéographie africaine dont la solution ne semble pas encore en vue.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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